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29.03.2013

Victor Pinchuk, milliardaire ukrainien cher à la France (fr)

Ne dites pas à Victor Pinchuk, 52 ans, homme d'affaires au succès spectaculaire, gendre de l'ancien président ukrainien Leonid Kuchma et milliardaire coté 336e fortune mondiale par la liste Forbes en 2011 (aujourd'hui estimée à 3,7 milliards de dollars, soit 2,7 milliards d'euros), qu'il est un «oligarque» heureux. «Oligarque» est un mot qu'il déteste. «Je sens une certaine ironie dans ce mot. Les hommes d'affaires occidentaux sont juste des hommes d'affaires. Les hommes d'affaires qui viennent d'Europe de l'Est sont automatiquement traités d'oligarques! C'est un drôle de réflexe, non? Quelle est la différence entre hommes d'affaires, entrepreneurs et oligarques? Suis-je conforme à ce cliché?», nous répond, du tac au tac, cet homme charismatique que la Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, doit faire chevalier des Arts et Lettres, mercredi 27 mars à 18h, dans les salons dorés de la rue de Valois.

Question d'étymologie (Oligos veut dire «peu abondant» en grec ancien, ndlr) et de petit ratio ultra-fortuné au regard de la majorité laborieuse, en sa rude terre natale de Kiev?

«Il y a plus de milliardaires en Russie aujourd'hui qu'en France (Forbesen a décompté 100 en Russie et 9 en Ukraine en 2012, ndlr). Mais en France, vous avez des chefs d'entreprise et en Russie, seulement des oligarques!» (rires). «Ceux qui ont fait fortune après l'effondrement de l'Empire soviétique sont des oligarques, c'est vrai. Mais depuis, les choses ont évolué, d'autres générations sont apparues avec un autre chemin et une autre vision. Et ce qualificatif me semble aujourd'hui faux et artificiel. Cela dit, je ne m'en offusque pas, je comprends qu'il y ait des différences culturelles entre nous. je ne choisis pas l'épithète que l'on me donne, j'accepte cette liberté d'opinion», répond posément ce financier international qui possède quatre chaînes de télévision et un tabloid en Ukraine post-soviétique, donc une certaine pratique de la presse.

«Je préfère la liberté au pouvoir»

Beaucoup de ces fortunes colossales venues de l'ex-URSS se tournent désormais vers l'action philanthropique et l'investissement culturel. L'art a la cote, comme l'a prouvé son cadet Roman Abramovich qui a créé Le Garage, temple de l'art contemporain à Moscou, avec sa compagne Dasha Zhukova.

Le mécénat tendance arty est-il un passage obligé du prestige, une sauvegarde ou un engagement sincère, un devoir d'État ou une affaire personnelle? «C'est une question qui revient toujours et qui dépasse mon seul cas. J'ai peut-être hérité le goût de l'art de mes parents et le besoin d'agir de mon sang. Quand je vois un philanthrope, je ne m'interroge pas sur ses raisons, je constate ce qu'il fait. Et s'il y vient d'abord pour des questions d'image ou de vanité, ce n'est qu'une première étape.

La suivante, la plus importante, est la probabilité qu'il puisse devenir un vrai philanthrope. En ce qui me concerne, le mécénat a envahi ma vie, a pris autant d'importance que mes affaires», explique cet ingénieur qui a «un faible pour les idées, leur éclat et leur logique» et se méfie «des émotions». Pas d'excès de langage, donc.

«Ma génération a de la chance en Ukraine, dit-il. Elle peut participer à la création d'une nouvelle société. C'est un privilège unique que n'ont pas beaucoup de nations ni de générations que de pouvoir repartir complètement de zéro, de refaire l'esquisse complète d'un pays. C'est maintenant ou jamais», insite ce mécène qui a a promis de donner la moitié de sa fortune, comme Warren Buffet, l'investisseur américain surnommé «l'oracle d'Omaha» ou Bill Gates, le fondateur de Microsoft.

«Il y a deux façons de faire avancer les choses. La première est d'être dans un gouvernement, chose que je déteste. La seconde vient de cette société civile toute neuve. Je préfère la liberté au pouvoir. Agir pour promouvoir mon pays, la démocratie, soutenir l'éducation, pour les générations à venir, les politiques, les hommes d'affaires de demain». Fils unique d'un ingénieur et d'une professeur de chimie, élevé entre les livres d'art et de sciences, Victor Pinchuk a pris la culture comme étendard depuis la fondation du Pinchuk Art Center à Kiev, en septembre 2006.

Depuis 2009, ce collectionneur «passionné» d'art contemporain a lancé le «Future Generation Art Prize» qui récompense un jeune artiste, confortablement doté (100.000$). Le jury regroupe les quatre plus grands musées d'art moderne, Centre Pompidou, Tate Modern de Londres, MoMA et Guggenheim de New York, via leurs directeurs.

S'y ajoutent des artistes tendance stars, Damien Hirst, Jeff Koons, Andreas Gursky, Takashi Murakami, tous très présents dans sa collection et les enchères records que le marché de l'art international lui prête... Et Elton John, «pour son oeil incroyable et son goût»! Mais là, c'est une autre histoire. 

Par Valérie Duponchelle Le Figaro
Source: Le Figaro
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